Dans la vallée d'Elah
Alors les enfants, avant que je n'oublie, il faut absolument que je vous dise d'aller voir ce film magnifique qu'est "Dans la vallée d'Elah", de Paul Haggis.
Je ne sais pas si vous avez vu la bande-annonce, mais pour ma part elle ne m'avait pas plus alléchée que ça, alors qu'à la base j'adore les films de/sur la guerre. Oui je sais, ce n'est pas exactement girly, mais moi les "Notthing Hill", "En cloque" ou autre "Rupture", bref les RomCom (ou Romantic Comedies si vous voulez, moi j'aime bien dire RomCom parce que j'aime bien me la péter), j'ai un peu l'impression que quand on en voit une, on les a toutes vues. En gros, c'est pas mon truc, et à bientôt 9,00 euros la place de ciné, j'aime autant ne pas me taper une rediffusion.
Bref. Les films de guerre. Alors voilà, j'adore ça et tout et tout, mais le problème avec la guerre d'Irak, c'est qu'elle est encore trop actuelle pour que je puisse la voir traitée au cinéma sereinement. Je deviens hyper émotive, alors après je dois chercher des kleenex dans mon sac à tatons dans le noir, et des fois il a glissé loin sous le siège de devant, et alors il m'arrive d'effleurer des mollets inconnus qui n'apprécient pas du tout ce genre de contact fortuit. Ou alors beaucoup trop, mais ça c'est encore un autre problème. En outre, avant hier soir je n'étais pas sûre que les cinéastes américains aient assez de recul pour traiter convenablement du sujet, sans tomber dans l'écueil pamphlétaire à la Michael Moore mode "Fahrenheit 911", ou dans l'esquisse inaboutie à la "Jarhead", qui avait été une grosse déception.
Mais voilà, je suis allée voir "Dans la vallée..." parce que j'avais été éblouie par "Collision", du même scénariste-réalisateur, il y a deux ans (film qui avait d'ailleurs emporté les Oscars du meilleur film et du meilleur scénario original en 2006, comme quoi je ne regarde pas que de la merde, merci bien). Ne me dîtes pas que vous n'avez pas pleuré devant "Million Dollar Baby"? On est d'accord les taffioles. Eh bien ce scénario, c'était Paul Haggis aussi, merci pour lui. Il a également réalisé "Lettres d'Iwo jima", mais celui-là je n'étais pas allée le voir, parce que bon je ne passe pas non plus tout mon temps au cinéma, des fois on y rencontre des gens bizarres, qui entendent "je cherche du sexe" alors qu'en fait je chuchote "je cherche un kleenex". Mais passons.
"Dans la vallée..." parle d'un père, lui-même ancien militaire, parti à la recherche de son fiston, engagé et envoyé en Irak, qui disparaît une fois de retour en permission sur le territoire US. Mais ce film ne parle pas que du père, bien sûr, sinon ce serait un peu moyen, ou alors il n'aurait pas fallu prendre Tommy Lee Jones, mais plutôt George Clooney tant qu'à faire, parce que bon sinon hein les gros plans sur l'acteur pendant 2 heures c'est un peu long, enfin moi je dis ça, je dis rien. Breeeeeeeeef. En enquêtant (et drôlement bien d'ailleurs) sur son fils, le père (et le spectateur par la même occasion, comme la vie est bien faite) se penche fatalement sur tous ces boys, une quasi-génération, envoyés au casse-pipe et pour casser des pipes, largués dans ce qu'il faut bien appeler l'enfer, au nom d'idéaux pas très nets et surtout sans garde-fous, sans préparation ni soutien pour affronter l'atroce réalité quotidienne, les cadavres, les tortures, les assassinats, les ordres qui se confondent parfois avec les consignes de survie, bref l'immoralité ordinaire, violente et vitale à la fois. Le résultat: des hommes, pff... des garçons, bien trop jeunes pour avoir le droit de vie et de mort, paumés, sacrifiés, sans plus aucun repères, la trouille et la violence chevillées au corps. Des boys qui pètent forcément les plombs.
L'ironie du sort veut qu'à l'instant même où j'écris ces lignes, le son de la télé qui me parvient annonce qu'en 2005, 6256 combattants en Irak se sont suicidés.
6256.
Suicidés.
Eh bien l'on peut dire que "Dans la vallée..." traite de "ça", entre autres, mais avec... comment dire? Non pas une certaine pudeur, mais plutôt une empathie et une humanité justes, respectables, pertinentes, et sans concessions pour autant puisque le film n'exonère strictement personne de ses responsabilités. On peut même dire que tout le monde en prend pour son grade: le gouvernement, l'armée, la famille, les traditions... Mais attention, le message est passé avec subtilité et finesse, sans effet coup de massue. C'est plutôt un puzzle qui se met lentement en place (en même temps, c'est une enquête policière, hein, ça avance à son rythme).
Le résultat est magnifique. Douloureux certes, mais nécessaire. Enfin un film abouti, à la photographie soignée, au script ciselé, aux acteurs confondants de justesse, sans fioritures, sans pléthore d'effets spéciaux. Un film juste bien, en somme. On en ressort ému, confondu, et en plus, on peut attendre que la lumière se rallume pour chercher ses kleenex.